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Mais outre la girouette, emblème féodal, il y avait encore une marque de privilège qui offusquait fort les paysans. Dans les églises, d’où l’esprit égalitaire des tout premiers chrétiens était banni depuis de longs siècles, les simples gens de campagne voyaient avec irritation les nobles, les officiers de la justice locale, les bourgeois, assister commodément aux offices dans des bancs fermés leur appartenant, tandis qu’eux s’agenouillaient sur le dur pavé de pierres tumulaires. Aussi lorsque Blaise s’écria : « Maintenant, mes amis, venez m’aider à enlever mon banc ! » il y eut une longue acclamation, et tous le suivirent.

Devant le portail de l’église, le procureur fiscal s’efforça d’arrêter la foule et la prêcha un moment ; mais il en fut pour ses paroles.

— J’ai bien le droit de brûler mon banc ! lui cria Blaise.

Et entrant, une hache à la main, il donna le premier coup à son banc qui, bientôt, fut porté sur la place, en morceaux, auxquels il mit le feu, avec des tisons pris à des voisins.

Après le banc de Roquejoffre, ce fut le banc seigneurial et puis tous les autres successivement, qui, mis en tas, firent un beau feu de joie autour duquel les paysans veillèrent en chantant jusqu’au soir ; après quoi, chacun s’en alla heureux, dans la croyance naïve d’avoir pour toujours reconquis la liberté et rétabli l’égalité.

Blaise s’en fut chez Jouanny, où sa mère se trouvait avec Mette.