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subsistance un peu rejetés au loin, toutes les inquiétudes des deux femmes se reportèrent sur le prisonnier. Chaque jour elles se disaient : Ce sera pour demain ! Mais Jouanny ne revenant toujours pas, leur esprit, surexcité par ces déceptions journalières, retournait aux sinistres appréhensions des premiers jours. L’hiver était revenu et la situation n’avait pas changé : Jouanny était toujours bouclé en prison, et peut-être heureusement pour lui, en raison d’événements prochains auxquels il se fût certainement mêlé. Une grande agitation se manifestait partout dans les campagnes du Périgord. La misère des populations, les résistances des privilégiés, l’insolence de plusieurs nobles mal avisés, l’exclusion du corps électoral d’une partie des paysans ; tout cela irritait les descendants de ces anciens révoltés de la glèbe, les Croquants périgordins.

Comme s’il y eût eu un mot d’ordre, de tous côtés les manants, relevant la tête, plantaient devant l’église ou le château un mai, symbole de liberté, comme une protestation contre le passé et une revendication du complet affranchissement de la terre. À Vern, Blaise, entièrement gagné aux idées nouvelles par l’arquebusier, se mêlait au mouvement, et, en toute occasion, prêchait les gens des villages qui s’assemblaient au bourg les jours de foire et de marché. L’effervescence allait en augmentant chaque jour en sorte qu’un dimanche, au sortir de la messe, quelqu’un ayant proposé de planter un mai, comme dans les autres paroisses, les paysans en grande