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Et toutes deux alors l’étreignirent étroitement, mêlant leurs baisers et leurs larmes.

— Quel bonheur qu’on m’ait mis en prison ! disait-il, en les entourant de ses bras.

Depuis cette visite, le prisonnier devint plus impatient. Il eût voulu voir cesser l’atroce incertitude où il était, et savoir s’il retournerait à Vern retrouver Mme Charlotte.

Comme il pressait un jour l’avocat patriote, qui s’était constitué son défenseur bénévole, de demander sa mise en jugement, celui-ci lui dit :

— Là, là, un peu de patience ! chaque jour vous éloigne de la potence, ou tout au moins des galères !

À Vern et au château de Roquejoffre, l’espoir était un peu revenu. Ainsi que l’avait dit l’avocat aux deux femmes : puisque cette expéditive justice de la prévôté laissait traîner l’affaire en longueur, c’est qu’elle n’osait condamner son prisonnier.

La vie était dure pour les pauvres gens en cette mauvaise année-là. Chez Guillaumette, la petite provision de blé faite peu avant l’arrestation de Jouanny ne dura pas longtemps. Dans la maison de Roquejoffre, on vivait au jour la journée d’expédients et d’emprunts. Heureusement la récolte de la Saint-Michel fut bonne. Les pommes de terre semées par Blaise donnèrent beaucoup ; et après avoir rendu les deux quartes de blé d’Espagne au frère de Jouanny, il resta un gros tas d’épis dans le grenier ainsi que des haricots ; de tout quoi Mme Charlotte fit part fraternellement à Mette. Les soucis de la