La manœuvre avait été décisive en effet ; seulement, elle aurait pu coûter cher au jeune monsieur. Deux jours après cette petite émeute, le sieur Bovier de Bellevaux, lieutenant du prévôt de la maréchaussée à Périgueux, mandé par exprès, vint avec une troupe de cavaliers et s’enquit. Il était impossible de procéder contre la moitié de la paroisse ; mais, sur le rapport du procureur fiscal, l’officier fit arrêter quelques-uns de ceux qui s’étaient le plus montrés, dont Jouanny, signalé comme un révolutionnaire dangereux et l’instigateur du mouvement. Il eût bien voulu y joindre celui qui avait coupé les traits du cheval, mais nul ne l’avait vu.
Lorsque Mme de Roquejoffre apprit par Blaise l’arrestation de Jouanny, elle éprouva une violente émotion qui l’éclaira sur ses véritables sentiments. La douleur qu’elle ressentait, tumultueuse et angoissée, ne lui permettait pas d’en douter : elle l’aimait. Au milieu de son affliction, la pensée lui vint qu’en aimant Jouanny elle ne faisait que le payer de retour ; et, soudain, elle se sentit liée à lui pour toujours. De la nuit elle ne dormit pas, tourmentée par l’inquiétude et le chagrin. Le matin, toujours anxieuse, elle prit le chemin de Vern et s’en fut trouver Guillaumette. Lorsque celle-ci vint au-devant d’elle dans la cuisine, Mme Charlotte se jeta dans ses bras en pleurant. Toutes deux restèrent un moment ainsi, se lamentant et maudissant les gens du roi. Puis, elles essuyèrent leurs yeux, s’assirent, et lors, Mette raconta comment son frère, saisi au collet, avait été