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furent obligés d’arrêter leurs chevaux. Le procureur fiscal de la justice seigneuriale, accouru, essayait d’apaiser le tumulte et exhortait les mutins à laisser passer les charrettes ; mais sans succès.

— C’est cas prévôtal ! il y va de la corde ! s’écriait-il.

— Lorsqu’il n’y aura plus de blé dans le pays, c’est-il vous qui nourrirez nos droles ? lui cria une femme.

Et, au milieu des clameurs confuses, s’oyaient des cris furieux :

— À bas les affameurs !

— Sus aux accapareurs !

— À mort les voleurs !

Pendant ce trouble, au milieu des vociférations de toute une multitude, et tandis que le marchand était colleté en tête de la première voiture, Blaise tira son couteau et, dextrement, coupa les traits du cheval. Aussi, lorsque saisissant le moment où la foule semblait un peu ébranlée par les menaces du procureur, le charretier commanda : « Hue ! » la charrette resta immobile et dans la rue étroite arrêta toutes les autres. Aussitôt, sur un mot de Jouanny, les sacs furent déchargés et reportés sous la halle, où chacun put en acheter à un prix fixé par la commune voix.

— Il coupe joliment bien, mon couteau ! dit vers le soir à l’arquebusier, Blaise en riant, tout fier de son exploit.

— C’est vous qui avez coupé les traits ? Une fameuse idée que vous avez eue là !