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nobles, de fourches en fer, de faux, de haches et de lourds bâtons appelés, en patois, billous. Blaise, oyant les tintements pressés qui volaient sur la campagne comme des oiseaux effarés échappés des clochers, courut à Vern. Lorsqu’il arriva sur la place, un gros rassemblement était déjà formé, dans lequel on commentait la sinistre nouvelle. Le nombre des brigands, passant de bouche en bouche, grossissait formidablement. Aux Anglais, vieux ennemis héréditaires, les uns ajoutaient quarante mille Espagnols venant de ravager l’Agenais ; d’autres y joignaient des Maures et même des sauvages cannibales. Certains assuraient que Mussidan était à feu et à sang, ainsi que Bergerac et tout le pays bas. Mathivet, revenu précipitamment de Périgueux, affirmait qu’on y attendait les brigands pour ce même jourd’hui, et que les bourgeois montaient la garde aux portes. Dans la foule, Jouanny s’efforçait de raffermir les effrayés, les assurant qu’il n’y avait à craindre ni galériens, ni Anglais, ni Espagnols.

— Les seuls brigands que nous ayons à redouter, s’écria-t-il, ce sont ces accapareurs qui achètent tous les grains et font monter le froment à neuf ou dix livres le boisseau ! C’est les rafles de ces affameurs du peuple qu’il faut empêcher !

Mais, cependant qu’il parlait, une troupe des plus épeurés faisait des barricades aux entrées du bourg, du côté du Pont-Romieu par où devaient arriver, après avoir saccagé Neuvic, ces brigands signalés par des gens que nul n’avait vus.