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seule chose du passé lui tenait au cœur : c’était la Mondinette. Quelquefois il quittait la besogne et s’encourait aux endroits où il la rencontrait d’habitude. Des fois même, ne la trouvant pas, il allait à Comberousse, sous un prétexte quelconque, emprunter un ustensile ou un outil de travail. Souvent, il ne trouvait là que la petite et sa grand’mère ; Champarnal dit Cabanou, le père, étant à quelque foire pour son commerce de cochons. Mais, lorsqu’il se trouvait à la maison, il félicitait Blaise à sa manière, un peu rudement, sur son changement de vie :

— Tenez ! ça me faisait peine de voir un brave drole comme vous êtes prendre le train d’un grand fainéant !

Blaise riait, et, content d’avoir vu sa petite mie, s’en retournait à l’ouvrage.

Le dimanche, il la voyait aussi sur la place de l’église et causait avec elle avant son entrée aux offices. Pour lui, il s’était un peu émancipé, comme font les grands garçons qui ont lâché les cotillons de leur mère, et n’allait plus à vêpres, ni même guère à la messe. Il restait avec Jouanny, qui l’entretenait de choses dont il n’avait jamais ouï parler. L’égalité, la justice, la fraternité des hommes, les devoirs du bon citoyen, étaient le sujet habituel des propos de l’arquebusier patriote. Peu à peu, Blaise prenait d’autres idées, et, dans un horizon élargi, entrevoyait des choses à lui inconnues auparavant. Aussi, lorsque parvint à Vern la nouvelle de la prise de la