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Blaise prit ce jour-là sa première leçon de labourage et s’en tira passablement. Avec une ferme volonté, il continua son apprentissage de travailleur de terre sans se rebuter. Dans les villages, autour de Roquejoffre, on parlait de ça, et même à Vern le dimanche. Chacun en disait sa râtelée, et, comme toujours, on en jugeait diversement. D’aucuns, paysans et bourgeois, principalement des anciens, trouvaient avec la Toinou qu’il ne gardait pas son rang. D’autres, plus nombreux, approuvaient ce vaillant garçon. Des idées nouvelles commençaient à germer dans les têtes ; il y avait dans l’air comme un pressentiment des temps prochains qui allaient effacer les distinctions de castes.

Au procureur fiscal de la justice seigneuriale, bourgeois à prétentions, qui déplorait un jour publiquement cette dérogeance, Jouanny répondit hardiment :

— Il n’y a que trois manières de subsister : en travaillant, en volant, ou en mendiant ; préféreriez-vous le voir voler ou tendre la main ?

Cette nouvelle existence de travail n’était pas pénible pour Blaise, qui était fort et robuste. L’adolescent oisif, qui passait son temps à courir les bois, à piéger les oiseaux, à chercher des champignons et des nids, à manger les mûres sur les haies, avait disparu. Il n’y avait plus qu’un jeune homme sérieux à qui l’intuition de son devoir était venue subitement en oyant parler sa mère et Jouanny, et qui avait pris la résolution de le faire tout entier. Une