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mains, au lieu de commencer par Mme de Labrant, il alla tout droit à Mme de Roquejoffre et la communia la première.

Il y eut, malgré le lieu et le moment, une petite rumeur de satisfaction, car l’orgueilleuse épouse du juge n’était pas aimée. Quant à M. de Labrant, blême de colère, il songea immédiatement à faire signifier un acte au curé pour sauvegarder les droits honorifiques de la seigneurie, et, accessoirement, pour se venger de ce petit affront.

Jusqu’à la fin de la messe, il y eut des chuchotements causés par cet incident qui fit tort au recueillement des fidèles.

À la sortie, Jouanny attendait, par honnêteté, et emmena ses invités à la maison.

Quatre couverts étaient mis sur une table carrée, près de la fenêtre de la cuisine qui donnait sur un jardinet au delà duquel s’étendaient les prés verts du château. Cette table, d’une blancheur éblouissante, les assiettes de faïence à fleurs, les gobelets de verre, les cuillers d’étain et les fourchettes de fer nouvellement étamées, tout cela brillait et réjouissait la vue. Un gai soleil venait jusqu’au bord de la fenêtre ouverte, et on oyait dans les vergers les appels des pinsons amoureux.

En s’asseyant à la place d’honneur que lui indiquait Jouanny, Mme de Roquejoffre éprouva une sensation de bien-être et de douce quiétude. Ses ennuis et ses chagrins disparurent de sa pensée, et le sentiment de sa misère s’effaça de son esprit. Les prévenances