Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’étrenner ce jour-là, se rengorgeaient dans leurs atours, en glissant un coup d’œil de côté pour épier l’ajustement des voisines, et dressaient fièrement la tête sous leur coiffe à la mode tenue par un ruban de couleur, comme des mules bien pomponnées.

Au-dessous, jusqu’au fond de l’église, c’étaient les gens du commun, petits artisans et paysans ; une masse confuse et serrée de vêtements sombres, bure, cadis, serge, et, par-dessus un remous de coiffes paysannes à barbes et de « mouchoirs de tête » bariolés ; le tout entremêlé de tignasses de droles mal peignés, et de vieux crânes jaunes luisants, rares ceux-ci, car la plupart des hommes du peuple étaient rangés autour du chœur, ou bien se tenaient debout, dans la tribune, au-dessus de la porte d’entrée.

De temps en temps un enfançon faisait entendre son vagissement grêle, apaisé bientôt par la mère qui se hâtait de lui donner le sein. Et puis des priseurs se mouchaient bruyamment, donnant la réplique à quelques vieux tousseux pulmoniques, qui, ayant péniblement expectoré, passaient leurs souliers ferrés sur le crachat.

Mme Charlotte regardait devant elle, la tête droite, l’air calme et digne. Elle n’enviait point le luxe campagnard des bourgeoises, ni même la toilette plus élégante de la femme du juge du lieu, Mme Labat de Labrant, en robe à falbalas, poudrée à frimas, qui se tenait fière dans le banc seigneurial, où son époux en habit puce à boutons d’acier représentait le seigneur absent.