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grande pièce voisine, l’ancienne « salle » du château, était vide. Le plancher s’effondrait ; les murs, verdis par l’humidité comme ceux d’une église de village, s’effritaient en gravats ; et, par les croisées aux vitres cassées, les hirondelles, dont les nids se collaient aux poutres d’en haut, entraient et sortaient librement. Partout, dans cette demeure, s’accusait une misère rendue plus lamentable par l’évocation, qui se faisait naturellement dans l’esprit, de la vie seigneuriale des gentilshommes du temps passé.

Mme de Roquejoffre, assise sur le saloir en forme de coffre, songeait qu’elle avait eu tort de faire faire des souliers pour son Blaise… Il eût mieux valu garder l’argent des canards pour acheter une quarte de blé d’Espagne… Un soupir tranchant souleva sa poitrine à cette pensée ; ses mains jointes s’allongèrent sur ses genoux ; sa tête s’accota dans l’encoignure et ses yeux se fermèrent.

Une maigre chatte pelée ronronnait entre les deux landiers sur la pierre de l’âtre. Ce bruit, monotone comme un chant de nourrice, la berçait doucement, et, un court instant, elle perdit la conscience de sa situation.

Un bruit de pas dans le corridor la réveilla soudain.

— Qui est là ? demanda-t-elle.

— C’est moi, madame Charlotte ! répondit une voix sonore.

— Ah ! c’est vous, Jouanny ! entrez.

La porte s’ouvrit et un grand fort garçon d’une