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de blé d’Espagne, de seigle et d’orge ; c’était tout en fait de grains. La grande ressource c’était les châtaignes ; quatre mois de l’année on en mangeait, vertes ou sèches, et dans les bonnes années il y en avait encore assez pour élever un cochon qu’on vendait pour faire quelques sous. Après la mort de son mari, la veuve avait vécu deux ou trois ans des reliques de sa modeste aisance des premiers temps. Elle avait vendu les deux couverts et la tasse d’argent que sa feue mère lui avait donnée en la mariant, et aussi une bague d’or venant de sa marraine. Pour son douzain de noces, depuis la vente des dernières métairies, il avait passé louis par louis à acheter du blé qui était cher en ce temps-là. Maintenant, lorsque la farine manquait pour cuire, elle n’avait plus rien à vendre. Le mobilier était comme les bâtiments, en mauvais état. Dans la cuisine, un méchant buffet de cerisier noirci par le temps et la fumée ; un vaissellier piqué des vers, petitement garni de quelques assiettes de faïence, dont aucunes ébréchées ; une table massive aux pieds demi-pourris ; un bassin de cuivre bosselé, posé sur une maie ; un banc, deux escabelles, une chaise de grosse menuiserie à moitié dépaillée et quelque poterie de fonte dans un coin : c’était tout pour la cuisine. Dans le « charnier », où depuis longtemps on ne mettait plus de chair, la Toinou avait logé, à faute d’autre « aisine », un cuvier pour les lessives, et une broie pour le chanvre, sur lequel était posé, à cheval, un vieux panneau de dame pour monter à bourrique. Une