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— Il serait besoin qu’il vînt demain sans faute, reprit la Toinou, afin qu’il les ait pour Pâques… Il n’y a plus que cinq jours…

— Et ses souliers ? demanda la dame.

— Filhol m’a bien promis qu’ils seraient prêts aujourd’hui ou demain au plus tard…

Mme de Roquejoffre soupira :

— Et puis, il faudra trouver de l’argent pour tout ça !

— Pourvu que nous puissions payer les trois journées du « sartre » qui se monteront à trente-six sous, Filhol attendra bien pour les souliers jusqu’au jour de la foire que je vendrai nos deux paires de canards… et puis, dans la tirette du cabinet nous avons une pièce de trente sols, une de quinze et quelques liards…

— Nous sommes donc riches…, dit avec un sourire triste Mme de Roquejoffre.

Ayant replacé les assiettes et plié la touaille, la Toinou mit ses sabots, prit sa chausse et s’en alla en tricotant.

La pauvre dame, restée seule, s’assit dans le « cantou » de la grande cheminée de pierre et se mit à songer à la misère qui l’étreignait et se faisait tous les jours plus pressante. Quelques terres dans la combe au fond du coteau, que des voisins pitoyables venaient labourer comme par charité ; des bois de châtaigniers aux alentours et les friches du puy aride étaient tout ce qui restait de la terre de Roquejoffre. De revenus, il n’y en avait guère : quelque peu