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— Que voulez-vous, dame ! Il y a des hommes comme ça !

— Et le mien en était, pour mon malheur !

La servante fut un moment sans mot dire, puis elle reprit :

— Tout de même c’était un fier bel homme, à faire courir toutes les femmes ! Et puis si aimable qu’il n’était point possible de lui rien refuser !

— On dirait que tu le sais ?

La paysanne eut un sourire d’orgueil, mais ne répondit pas.

— Oh ! tu peux le dire, va !

— Eh bien donc, puisque le voulez, dit fièrement la Toinou, je suis la première femme qu’il ait connue ! J’avais quinze ans et lui dix-sept lorsqu’il me vint trouver dans le bois des Brandes !

— Et tu l’écoutas comme ça, tout d’abord ?

— Oui bien ! trop heureuse qu’un beau jeune noble comme il était fît attention à moi ! Ça dura sept ou huit mois, après quoi il s’amouracha d’une petite tailleuse de Vern, me laissant grosse…

— Et tu ne dis rien ?

— Non, de sûr ! Il savait si bien faire que j’aurais été lui quérir l’autre…

— Et ton petit, qu’est-ce qu’il est devenu ?

— Qui le sait ! Chez nous le portèrent à l’hospice de Périgueux… J’ai la foi que je le reconnaîtrais à ses yeux noirs, comme ceux de notre jeune monsieur, et comme ceux de tous les droles que son père a semés dans le pays ; car après la