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de quatorze ans, selon un usage fréquent autrefois, au temps où les filles étaient fortes et mûres de bonne heure.

Ayant regardé un instant dans la direction prise par son Blaise, Mme de Roquejoffre rentra dans la cuisine aux dalles usées, où une femme nu-pieds, coiffée d’un madras de coton à carreaux bariolés, pétrissait dans un plat de la farine de blé d’Espagne, pour faire un « millassou ».

— Ne le fais pas trop épais, Toinou, dit-elle en patois à la servante.

— N’ayez crainte, dame, je sais comme les aime notre jeune monsieur.

La Toinou était habillée, comme sa maîtresse, de droguet bleu usé déjà. Tout un hiver elles avaient filé pour donner à faire au tisserand de Peyrefon une pièce où avaient été levées leurs robes et taillés les habillements de Blaise.

— Il est allé à Comberousse ? demanda la servante après un moment.

— Je crois que oui…

— Il commence à galoper après cette drolette de chez Cabanou… Ah ! ça sera un vrai Roquejoffre ! fit la Toinou, comme réjouie par cette pensée.

— Que le bon Dieu nous en garde ! exclama la dame. Son pauvre père a mangé avec les filles les deux dernières métairies qui nous faisaient vivre ; et il a fini par se faire tuer dans une méchante querelle pour une gourgandine ! Le Seigneur l’ait en son paradis ! Mais je désire bien fort que son fils ne lui ressemble point !