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guet bleu, blanchie par l’usure, et d’une culotte de même étoffe effilochée par le bas. Il était tout « déparpaillé », ce qui signifie que sa chemise de grosse toile, rapiécée, laissait voir sa poitrine et son cou hâlés. Ses pieds nus, poussiéreux, éraflés par les ronces du chemin, attestaient un grand mépris pour la chaussure en général. Au reste, costume à part, c’était un « fier drole » de seize ans, bien bâti, à la figure brûlée par le soleil, dont les yeux brillaient sous des mèches de longs cheveux noirs, qui retombaient sur son front. En ce moment, d’une main il tenait un morceau de pain noir « chaumeni » dans lequel il mordait avec des dents blanches et pointues comme celles d’un jeune loup, tandis que de l’autre il tirait des pierres sur un nid de pie, bâti à la cime d’un ormeau voisin.

Le château de Roquejoffre était mal en point, comme le propriétaire. Il en restait un bout de corps de logis peu important, accolé d’une sorte de petite tour carrée contenant un escalier de pierre à paliers. L’ensemble était notablement délabré. Les toitures d’ardoise grossière, trouées par endroits, laissaient voir les lattis noircis. Dans des lézardes en coups de fondre, qui zigzaguaient sur les murs décrépis, des « traücomurs », ou pariétaires, et des capillaires semblables à des fougères naines, poussaient, vivaces. Aux baies des croisées, les meneaux disloqués laissaient tomber les châssis de petites vitres en losange assemblées avec des lamelles de plomb. Au-dessus de la porte d’entrée ogivale, une giroflée de muraille