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COMMENTAIRE OV PREFACE DE


MARIN PHILOSOPHE SVR LE LIVRE


des donnez d’Euclide



PRemierement, il nous faut mettre comme fondement que c’eſt qu’on appelle Donne’ : en apres remarquer l’utilité d’iceluy, & en troiſieſme lieu à quelle ſcience appartient ce Traicté.

Donne’ doncques ſe definit en pluſieurs manieres ; car les Anciens l’ont defini d’une façon, & les modernes d’une autre, dont s’enſuit qu’il ſemble mal-aiſé d’en pouuoir donner la vraye explication. Car quelques uns n’ont point baillé de definition de Donné, mais ils ont auec beaucoup de trauail recherché certaines proprietez d’iceluy, & quelques autres raſſemblans & meſlangeans ce qui en auoit eſte dict auparauant par les autres ont eſſayé de definir Donne’ : mais non pas de telle façon qu’ils ne ſe ſoient contrariez, eux-meſmes, quoy qu’il ſemble que tous fondez ſur une meſme notion & ſuppoſition en ayent dit quelque choſe : car tous ont eſtimé que le Donné eſtoit quelque choſe cornpriſe ; & partant entre ceux qui ont taché de le deſcrire plus ſimplement & auec quelque ſimple diſſerence, les uns ont creu que Donné eſtoit ce qui eſt Ordonné, ainſi qu’Apollonius en ſon Traité des inclinations, & en ſon Traité Vniuerſel : & les autres, comme Diodore, ce qui eſt Çogneu : car en ceſte ſignification il prend la ligne droicte, & les angles eſtre donnez, & tout ce qui peut uenir a noſtre cognoiſſance, encore qu’on ne le puiſſe pas bien exprimer : Mais les autres ont creu que c’eſtoit meſme ce qui eſt Effable, comme ſemble auoir voulu Ptolomée, lequel appelle Donnez toutes les choſes dont la meſure eſt cogneue, ſoit preciſément, ou à peu prés. Quelques autres außi ont penſé que Donné eſtoit ce qui nous eſt concedé en l’hypotheſe par le propoſant, veu qu’aux premiers Elemens ils prennent autrement un poinct donne qu’une ligne droicte donnée, c’est à dire que qui donneroit & determineroit la quantité d’une ligne droicte : toutes leſquelles choſes veulent ſignifier quelque Comprehenſion. Et partant de toutes ces definitions, celles-là aggreent le plus, leſquelles plus appertement declarent la Comprehention comme nous ferons veoir par les choſes ſuivantes.

Or expliquons maintenant les diuerſes opinions de ceux, leſquels deſcrivans la nature du Donné n’ont point pris une ſimple marque, ou unique caractere pour le definir, & les reduiſons comme en un ſommaire & abbregé, afin que nous puißions aiſément recognoiſtre ou nombrer toutes leurs differences. Les uns donc ont defini Donné eſtre ce qui eſt Ordonné & Porime enſemble : & les autres, ce qui eſt Ordonné & Cogneu enſemble : & les autres, ce qui eſt Porime & Cogneu enſemble : c’eſt pourquoy tous ſemblent auoir defini en ſorte qu’ils ont eu eſgard à la Comprehenſion ou Somption & Inuention du Donné. Et afin que nous conceuions tant mieux leur oppinion, & que des dicts de pluſieurs nous puißions tirer vne vraye definition de ce qui eſt propoſé nous remarquerons en premier lieu la ſignification de tous les termes ſimples dont ils ſe ſeruent, cōme außi de leurs oppoſez, aſçauoir de l’Inordonné, & de l’Incogneu, de l’Apore, &


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