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LES PROBLÈMES DE LA VIE HUMAINE.

mouvement, même dans la science et dans l’art, dans l’éducation et dans la religion. Les protestations contre ce rôle dirigeant assigne au facteur économique n’ont certes pas manqué, mais, d’autre part, l’incessant développement d’une civilisation technique et raffinée a accru de plus en plus l’importance des biens matériels ; à cela se joignent aussi les progrès du réalisme, qui montre nettement la dépendance où est la vie de l’esprit par rapport aux conditions naturelles, et qui voudrait dériver du dehors toute intériorité. Si maintenant, en complète opposition avec l’optimisme de A. Smith, la forme toute nouvelle qu’a prise le travail engendre de graves complications dans le domaine économique, on ne peut s’étonner que l’on attende le salut, pour toute la vie, de la solution de ces complications, de l’établissement d’un nouvel ordre économique.

Le troisième courant est le politisme, l’estime exagérée que l’on fait de l’État. Combien de choses, au xixe siècle, poussaient vers ce politisme, c’est ce que nous avons déjà vu plus haut ; la tendance à mettre partout l’État au premier plan, à lui confier la direction de toute l’œuvre de civilisation, continue visiblement à prendre encore plus d’intensité. Ici aussi, la socialdémocratie ne fait qu’exprimer, pleinement et fortement, ce qui, obscur et atténué, domine la plupart des esprits. En tout cas, ce n’est pas le fait d’un hasard que l’Allemagne, où la tendance à l’omnipotence de l’État est si marquée, soit précisément le pays où la socialdémocratie a fait les plus rapides progrès, tandis qu’elle avance plus lentement chez les peuples anglo-saxons.

L’union du démocratisme, de l’économisme et du politisme n’est, en soi, nullement nécessaire, et l’on peut même se demander si elle ne renferme pas de fortes contradictions, et si, en particulier, cette liberté individuelle que défend le démocratisme ne se trouve pas en un incon-