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états concevables et sans doute même réels, dans lesquels un homme croit percevoir et tient pour vraies deux choses opposées ? Répliquera-t-on qu’il s’agit de l’homme à l’état normal ou de l’homme en tant qu’homme ? Mais l’  « état normal », le « jugement sain », l’ « homme en tant qu’homme » sont des termes à définir, et dont la définition, pour l’approprier l’usage que l’on en veut faire ici, supposerait précisément les principes logiques. — Le même genre d’argument vaudrait contre les interprétations psychologiques que l’on tente du raisonnement et du syllogisme.

Voyons le psychologisme dans ses conséquences. Ces conséquences peuvent se résumer en une : le scepticisme. Le scepticisme porte sur les conditions de la possibilité d’une théorie en général, conditions qui sont de deux sortes : d’un côté la faculté de distinguer entre les jugements aveugles et les jugements évidents, condition noétique ; de l’autre, la possession d’éléments capables de constituer une unité théorique en général, condition proprement logique. Le scepticisme ainsi entendu, qu’il ne faut pas confondre avec le scepticisme métaphysique qui prononce l’impossibilité de connaître les choses en soi, est insoutenable. Il n’y a pas lieu d’insister beaucoup sur le scepticisme qui allègue simplement l’inévitable rapport de toute affirmation au sujet individuel ; il faut considérer avec plus d’attention cette forme de relativisme qui rapporte l’affirmation à l’espèce humaine, le relativisme anthropologique. Ce relativisme-là, on le retrouve à des degrés divers chez des logiciens contemporains, plus atténué peut-être, quoique très réel, chez Sigwart, plus radical chez Benno Erdmann. Or, dans ses différentes expressions, il n’en est pas moins incompatible avec une notion précise de la vérité. Car il permet de supposer que ce qui est vrai pour l’espèce humaine pourrait ne pas être vrai pour une autre espèce d’êtres intelligents. Or jusque dans cette thèse est enveloppée, hors de la considération d’une diversité d’espèces d’êtres intelligents, l’affirmation d’une vérité.

En somme, le psychologisme s’appuie sur trois préjugés illégitimes :

1o Des prescriptions destinées à régler une part de la vie psychique ne peuvent être fondées que psychologiquement. — À quoi il faut répondre que des lois dont dérive l’unité théorique de toute science ne peuvent relever d’une science de faits, qu’il y a d’ailleurs une différence essentielle entre des lois logiques pures et des règles