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v. delbos. — husserl.

ment. On confond trop aisément les lois logiques avec les opérations des jugements dans lesquelles elles se manifestent, alors qu’elles servent plutôt à constituer le contenu de ces jugements. Et de ce que les actions de juger, comme telles, dépendent de circonstances soumises à la loi de causalité, on conclut que le fond même des jugements est déterminé en vertu de cette loi. Mais il y a lieu de remarquer que la légalité logique garde son caractère irréductible, qu’elle ne se résout pas, comme la causalité naturelle, dans une suite de termes qui s’appellent et se succèdent. Aucune loi logique n’implique des faits comme matière ; aucune loi logique n’est en elle-même une loi pour des faits. L’élément de vérité qui entre dans les sciences d’expérience n’est en lui-même qu’une possibilité idéale, seulement cum fundamento in re. Mais rigoureusement il serait absurde de considérer la vérité comme un fait, comme quelque chose de déterminé dans le temps. Sans doute une vérité peut signifier qu’une chose est, qu’un état est donné, qu’une succession d’états se produit ; mais la vérité même est en dehors de tout temps ; si l’on la liait aux faits de telle sorte qu’elle apparût ou disparût avec eux, nous aboutirions à cette idée de la loi qui naît et meurt en quelque sorte d’après une loi : absurdité manifeste.

Voyons le psychologisme à l’œuvre. Stuart-Mill, voulant expliquer le principe de contradiction, en trouve le fondement dans ce fait, que croire et ne pas croire sont deux états d’esprit différents qui s’excluent l’un l’autre, que pour nous la lumière et l’obscurité, le bruit et le silence, la succession et la simultanéité sont choses telles que lorsque l’une d’elles est présente, l’autre est absente. Voilà le fait fréquent, dont le principe de contradiction serait tout simplement l’expression généralisée. Mais déjà Stuart-Mill fait subir au sens du principe une altération grave : à l’impossibilité que deux contradictoires soient vraies il substitue l’incompatibilité des actions de juger qui leur correspondent, et il aboutit pour son compte à l’énonciation suivante : Deux actes de croyance contradictoirement opposés ne peuvent coexister, — énonciation vague, et qui témoigne bien à quel point ce subtil penseur, quand il essaie de défendre ses principes empiriques, voit se dissiper tout son génie. Dans quels cas en effet deux actes de croyance opposés ne peuvent-ils pas coexister ? Dira-t-on qu’ils ne le peuvent pas au même moment, dans le même individu ou dans la même conscience ? Mais sur quoi se fonde une telle assertion ? N’y a-t-il pas des états plus ou moins pathologiques,