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sans en connaître l’enchaînement naturel et le mode naturel d’apparition ? Ces liaisons idéales ne sont au surplus que des moyens pour investir notre pensée d’un caractère d’évidence, qui lui-même est déterminé, suivant la causalité naturelle, par certains antécédents. Une éthique qui ne s’appuierait pas sur une physique ne serait qu’une chimère.

Le psychologisme apparaît donc, en fort bonne posture, et il faut avouer, nous dit Husserl, que ses adversaires ne lui ont pas toujours disputé avec une suffisante vigueur ses apparents avantages. Pourtant, à ne prendre déjà qu’en gros l’argumentation qui vient d’être reproduite, si elle était juste dans le fond, elle prouverait uniquement l’utilité ou la nécessité d’une collaboration de la psychologie à la logique ; elle ne démontrerait pas que la psychologie dût fournir à la logique ses principes essentiels. Elle invoque des raisons trop vagues pour avoir le droit d’exclure toute autre discipline qui pourrait prétendre, avec des titres tout aussi sérieux, fonder directement ou indirectement la logique.

Au reste la psychologie ne pourrait donner à la logique que ce qu’elle a, et ce qu’elle a est fort loin d’égaler, pour ce qui est de la logique, ce que la logique possède. Il y a une discordance frappante entre l’indétermination ou l’inexactitude des lois psychologiques et l’exactitude ou la rigueur des principes logiques, des lois qui gouvernent le syllogisme et les diverses espèces de raisonnements, même les raisonnements en matière probable, dès que la probabilité en est mathématiquement comprise. À supposer que l’on voulût ou que l’on pût rendre les lois psychologiques plus exactes qu’elles ne le sont, on ne saurait oublier malgré tout que ces lois, établies, comme toutes les lois naturelles, par voie d’expérience et d’induction, ne sont pas apodictiquement certaines, et qu’elles n’autorisent guère, pour les prévisions de l’avenir, que des conjectures raisonnables. Or des lois logiques, telles que, par exemple, le principe de contradiction, énoncent des affirmations catégoriques, absolument certaines. Nous ne nous bornons pas à présumer que de deux contradictoires, l’une est vraie, l’autre est fausse. Nous en sommes sûrs, sans restriction et sans condition. Et ainsi, au reste, des propositions mathématiques pures.

Mais allons plus loin. Mesurer la pensée à ses lois logiques, ce n’est pas avoir à la traiter comme si ces lois logiques étaient des lois naturelles, destinées à en expliquer la formation et le développe-