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v. delbos. — husserl.

ment le flair subtil et l’attaque vigoureuse ; et l’on dirait bien que certains des coups qu’il porte sont décisifs.

Voici d’abord, telles que Husserl nous les présente, la thèse et l’argumentation des psychologistes : La Logique n’est qu’une section particulière ou une dépendance de la psychologie. De quoi en effet s’occupe-t-elle ? De concepts, de jugements, de raisonnements, de déductions, d’inductions, de classifications, toutes choses qui appartiennent à la vie mentale et qui sont seulement mises à part en vue de certaines fins particulières qu’elles permettent d’atteindre. D’ailleurs, à supposer qu’on veuille leur faire une situation privilégiée, la psychologie saura bien les reprendre : car comment lui dérober l’analyse des caractères tels que affirmation ou négation, vérité ou fausseté, qui accompagnent l’accomplissement des opérations logiques ? En vain insistera-t-on, suivant une distinction assez commune à laquelle la philosophie de Kant et celle de Herbart ont communiqué une nouvelle autorité, entre la pensée telle qu’elle est, objet de la psychologie, et la pensée telle qu’elle doit être, objet de la logique. La pensée telle qu’elle doit être est un cas particulier de la pensée telle qu’elle est. Il appartient à la psychologie d’établir les lois naturelles de la pensée, les lois de tous les jugements, qu’ils soient vrais ou faux ; la vérité, c’est-à-dire le caractère normal de certains de ces jugements, ne les met point en dehors des recherches qui doivent comprendre tous les jugements ; et quant aux règles qu’il faut suivre pour bien juger, elles ne sont que les règles qu’il faut suivre en effet pour penser de telle sorte que les dispositions et la nature propre de la pensée l’exigent ; elles sont donc identiques, ainsi que le dit Lipps, avec les lois naturelles de la pensée même. Si la logique n’est point la physique de la pensée, elles n’est rien du tout. On dira peut-être qu’elle doit être, non la physique, mais l’éthique de la pensée, en relevant ce que l’expression « lois de la pensée » a d’équivoque, en observant que, d’un côté, il s’agit des lois selon lesquelles se produisent et se succèdent les opérations intellectuelles, tandis que, de l’autre, il s’agit des lois qui définissent le rapport de ces opérations à la vérité ; et l’on prétendra que la recherche très légitime des lois dans le premier sens laisse intact le droit à la recherche des lois dans le second sens. À cela il est aisé de répondre que d’une certaine manière la logique a en effet un tout autre objet que la psychologie ; elle est une technologie de la connaissance ; mais comment traiter de liaisons idéales des concepts et des jugements