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discipline démonstrative a priori, ou bien celui d’une discipline empirique et inductive ? Il y a entre ces questions diverses une solidarité telle que quiconque résout l’une d’elles dans un sens, décide par là même du sens dans lequel il doit résoudre les autres.

Pour justifier le sens dans lequel il les résout quant à lui, Husserl relève surtout le caractère systématique de la science, qui ne se borne pas à accumuler des connaissances isolées, mais qui ne transforme des connaissances en vérités, que tout autant qu’elle les lie par des raisons susceptibles de constituer une unité théorique ; ni la suite des raisons n’est arbitraire, ni la valeur des raisons n’est spéciale à l’objet qu’elles comprennent. Ce sont là des caractères qui ne nous frappent plus autant qu’ils le devraient, parce que notre pratique journalière de la science les enveloppe, mais qui n’en représentent pas moins les conditions constitutives de la science. Il doit y avoir pour déterminer ces conditions, pour expliquer la possibilité de la science en général, une science d’une certaine sorte, qui soit une doctrine de la science, une Wissenschaftslehre. Et cette doctrine de la science ne peut en un sens être que normative : car pour savoir si une science est vraiment une science, si une méthode est vraiment une méthode, il faut les comparer l’une et l’autre à la fin qu’elles doivent réaliser. Or c’est à la Logique qu’il appartient d’exposer ce qui constitue l’idée de la science. Cependant l’expression de « normative » ne caractérise qu’imparfaitement la Logique et peut même contribuer à en altérer la notion ; car elle peut laisser entendre que, posant naturellement des règles, la Logique est un art pratique qui se suffit comme tel. Or des propositions normatives ne sont véritablement justifiées que si elles se fondent sur des propositions théoriques dont elles sont comme des applications à certains objets : les lois de la Logique, idéales si l’on veut, n’en ont pas moins une réalité et une valeur indépendantes de toute application aux choses.

Mais les propositions théoriques fondamentales sur lesquelles repose la Logique conçue comme discipline normative, ne peuvent-elles et ne doivent-elles pas être fournies par la psychologie ? C’est à l’examen de cette question que Husserl consacre la plus grande part de ses prolégomènes à la logique pure ; et non seulement il combat le psychologisme qui se donne ouvertement comme tel ; mais encore il s’applique à dépister le psychologisme modeste ou honteux qui se réfugie dans les parties obscures des doctrines ; il a incontestable-