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v. delbos. — husserl.

a des affinités étroites avec l’empirio-criticisme d’Avénarius, avec les analyses et les vues d’Ernest Mach, avec la philosophie immanente de Schuppe et de Rehmke. Contre lui en revanche se dresse le Logicisme des néo-kantiens, d’un Hermann Cohen par exemple, et de ses disciples, ou le Logicisme formaliste d’un Husserl. C’est de ce dernier que je dois vous entretenir : je ne pourrai guère, dans les limites de cette leçon, vous exposer que les préliminaires et les idées directrices d’une œuvre qui du reste n’a mis son plan à exécution que dans des recherches partielles, assez difficiles à suivre dans le détail. Mais si je dois, pour réparer en quelque mesure cette lacune, rendre hommage à l’ingéniosité très subtile et souvent vigoureuse que Husserl a apportée dans ces recherches, j’estime cependant que sa critique du Psychologisme et sa conception d’une logique pure gardent une valeur propre en même temps qu’une signification plus générale et plus accessible.

Husserl ne saurait pécher par l’ignorance de la doctrine qu’il combat ; car cette doctrine, il l’avait un moment adoptée dans sa Philosophie de l’arithmétique, dédiée à « son maître, M. Brentano » (1891). Il était naturellement parti, nous avoue-t-il lui-même, de l’opinion régnante d’après laquelle c’est de la psychologie que la logique en général, et même la logique déductive, doit attendre son explication philosophique. De fait, tant qu’il s’était agi uniquement de l’origine des notions mathématiques ou de la formation des méthodes pratiques, l’analyse psychologique avait paru aboutir à des résultats clairs et féconds. Mais dès qu’il avait fallu passer des combinaisons psychologiques de l’esprit à l’unité logique du contenu de la pensée, elle s’était montrée incapable de continuité et de rigueur. Dès lors il devenait indispensable de se demander si l’objectivité de la mathématique et de toute science en général est compatible avec une explication purement psychologique de la pensée logique.

Dès le début de ses « Logische Untersuchungen » (Erster Theil : Prolegomena zur reinen Logik, 1900), Husserl pose en ces termes les questions controversées sur l’objet, la nature et les procédés de la Logique : La Logique est-elle une discipline théorique ou un art pratique ? Est-elle une science indépendante des autres sciences, en particulier de la psychologie ou de la métaphysique ? Est-elle une discipline qui n’a affaire qu’à la simple forme de la connaissance, sans souci de ce qui en est la matière ? A-t-elle le caractère d’une