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logisme apparaissent très manifestement dans la Psychologie de Cornelius. Selon cette conception, la science est avant tout une adaptation, et les formules les plus abstraites dont elle se sert ne sont que des moyens de figurer et d’interpréter l’expérience avec la moindre dépense. — Husserl ne se défend pas d’admettre la vérité partielle de cette conception téléologique ; il reconnaît la lumière qu’elle peut répandre sur la nature et le sens de l’évolution humaine ; bien mieux, il lui accorde une grande valeur explicative, insuffisamment développée par Mach, pour ce qui est de la découverte et de la mise en œuvre des procédés spéciaux, des méthodes, de la technique de la science ; mais la confusion et l’erreur commencent dès que l’on veut transférer ce mode d’explication aux lois de la logique pure ; car la question n’est pas de savoir comment naît l’expérience, l’expérience naïve ou scientifique, mais quel contenu elle doit avoir pour être une expérience objectivement valable. En ce sens, ce qui nous intéresse, ce n’est pas le devenir de notre représentation du monde, c’est le droit en vertu duquel telle représentation du monde, fournie par la science, l’emporte sur toute autre. Et quant à l’œuvre de simplification ou d’économie qu’accomplit la science, il faut la prendre, non pour la condition, mais pour l’effet de la rationalité de la pensée logique. C’est parce que la pensée logique pose un idéal de compréhension déductive que nous pouvons interpréter tout effort qui va dans cette direction comme un effort pour simplifier et pour économiser ; mais sans cet idéal même, quoi de plus vague que le principe de l’économie ? Les tentatives d’Avenarius et de Mach reposent sur un ὕστερον πρότερον.

Mais après toutes ces critiques, qu’enferme donc l’idée de la Logique pure telle que Husserl l’entend ? Nous avons dit au début que la science est essentiellement système, unité théorique de connaissances vraies. Qu’est-ce qui détermine ce système, cette unité théorique ? C’est l’unité des lois rationnelles, unité qui provient, soit d’un principe fondamental unique, soit d’une liaison de principes homogènes. Aux exigences de la science idéale satisfont les sciences dites improprement abstraites, et qui tiennent en effet leur unité, non pas de l’unité de leur matière ou de leur objet, mais de l’unité de leurs procédés d’explication : ces sciences, on les appellerait plutôt nomologiques ; l’unité dont se réclament les sciences dites concrètes, et qui leur vient de ce qu’elles s’appliquent aux mêmes objets particuliers ou au même genre empirique d’objets,