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HUSSERL

Sa critique du psychologisme et sa conception d’une Logique pure[1].


L’explication des règles de la connaissance peut être poursuivie et présentée sans aucun doute de plus de deux façons ; mais, dès que l’on se croit autorisé à simplifier, il est tout de même possible de concevoir que c’est dans l’une ou l’autre des deux grandes directions suivantes qu’elle peut être engagée. Ou bien elle se donne pour fin essentielle de définir les lois idéales de la pensée logique, d’en développer rigoureusement la signification régulatrice et impérative, sans avoir égard aux conditions de fait qui ont porté les esprits à en prendre conscience, même peut-être sans avoir égard aux transactions qu’elles sont plus ou moins obligées de consentir pour s’appliquer à tels ou tels objets ; ou bien au contraire, dépouillant la pensée logique de l’apparente rigueur de ses formes propres, elle tendra surtout à la replacer dans l’ensemble des événements qui composent la vie mentale, à la prendre dans sa signification réelle, mêlée de contingences et de compromissions, à la traiter en tout cas comme un fait, sujet aux mêmes recherches génétiques et aux mêmes déterminations causales que les autres faits psychologiques. La première de ces deux façons est celle qui est la plus fidèle à la tradition ; c’est qu’en effet elle est celle qui fut pour les philosophes la plus naturelle et pendant un temps la seule possible à pratiquer. La pensée logique, par ce qu’elle a de régulier et de clair, s’offre d’elle-même à la réflexion ; elle accomplit ses démarches dans la lumière ; elle est incomparablement plus aisée à saisir que la plupart des états psychologiques, qui s’appellent, se combinent, se déterminent selon des affinités imprévues et obscures ; et c’est précisément parce qu’elle était la plus claire, la plus capable d’être fixée, qu’elle a imposé longtemps le type auquel on ramenait bon gré mal gré les

  1. Leçon faite à l’École des Hautes Études sociales.