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sans cesse dans les mosquées : Peuples, soyez soumis à vos princes ; ils sont l’image de la Divinité. Renoncez aux biens passagers de la terre ; n’usez que du peu qu’exigent les besoins naturels ; versez le reste dans le sein des pauvres : sans l’aumône, sans la charité, les portes du paradis vous seront fermées pour jamais ; croyant, dis-je, que ceux qui ont sans cesse ces maximes dans la bouche les auraient dans le cœur, et viendraient, au moindre signal, apporter dans vos trésors de quoi épargner au malheureux les sueurs et les peines que lui causent les besoins de la patrie, vous proposâtes à ces oracles du prophète de vous donner un état des immenses richesses que les libéralités de vos prédécesseurs, et celles de toute la nation, leur ont autrefois prodiguées.

Vous vîtes alors tomber le masque de l’hypocrisie ; vous vîtes cette impudente espèce, en violant le premier précepte de la religion, autoriser leur refus de cette religion même. Que devint donc votre pouvoir suprême ? vous craignîtes, dit-on, pour vos jours. Un de vos divans voulut soumettre ces rebelles ; vous lui imposâtes silence.

Quelque temps après, ces sujets séditieux, qui venaient de donner une atteinte si visible à votre autorité, semblables à ces Indiens qui maltraitent et caressent tour à tour leur idole, se servirent de ce même pouvoir pour rétablir leur ancienne domination jusque sur ceux que la mort va mettre au niveau des monarques.

Vous, maîtres passagers de la terre, les devoirs du citoyen une fois remplis envers vous et l’État, vous laissez au moins en repos les facultés de l’âme ; c’est par elles que l’homme est et doit être libre, lors même qu’il est chargé des fers du plus dur esclavage ; mais cette nation éternelle sans postérité[1], par combien d’endroits, sous

  1. Gens æterna in qua nemo nascitur. Val. Max.