Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces liaisons augmentent et secondent le pouvoir de cette liberté civile ; elles lèvent les obstacles que notre impuissance, notre faiblesse naturelle trouveraient sans cesse, si elles n’étaient aidées ; bref, elle contribue à tout ce qui favorise notre conservation, notre bien-être et notre liberté.

Les hommes naissent pour commander ou pour servir, dit l’auteur de la Bibliothèque : tous nos philosophes le disent comme lui. Je ne chicanerais point sur ces termes, si nos préjugés, nos coutumes ne leur avaient fait donner une signification fort odieuse. Restituons leur véritable sens. Les hommes naissent dans une mutuelle dépendance qui les fait, tour à tour, commander et servir, c’est-à-dire, être secourus et secourir ; mais dans cette signification, et selon le véritable droit de la nature, il n’y a et ne doit y avoir ni maître ni esclave : ou plutôt la liberté, telle que je l’ai définie, est également secondée.

Je dis qu’il n’y a ni maître ni esclave, parce que la dépendance est réciproque. Le fils ne dépend pas plus du père, que celui-ci de sa progéniture : l’un est aussi étroitement lié par des sentiments naturels d’une tendresse secourable et bienfaisante, que l’autre par une faiblesse qui attend des secours. Les citoyens d’une république sont singulièrement et collectivement dans une mutuelle dépendance.

En général, dans la société l’un naît faible, délicat, mais spirituel et industrieux ; l’autre est fort et robuste, mais il a besoin de conseils. L’enfance est aidée par l’âge mûr ; celui-ci est sur son déclin, quand l’autre prend sa place et ses fonctions ; enfin, l’âge florissant, en secourant la vieillesse, est lui-même secouru par ses contemporains.