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réciprocité de secours, cette égalité de conditions dont je vante les avantages, subsistent encore dans des corps tout dévoués à l’observation de ces belles lois. C’est faire grâce à ces pelotons d’hommes fortuitement rassemblés, à ces tubérosités éparses çà et là sur le corps languissant de la société, que de les comparer à de riches familles qui appauvrissent une république : ces mêmes familles qui la minent peuvent quelquefois utilement la servir. Non, ces corps monstrueux composés de gens oisifs qui ne tiennent à l’arbre que comme des plantes parasites, ne valent pas la branche la plus viciée. Il faut que, dans l’état actuel des nations les mieux gouvernées, ces corps isolés soient de véritables cabales de gens qui semblent conspirer de se dispenser, sous mille prétextes frivoles, de tout devoir de citoyen, et de jouir néanmoins des plus belles prérogatives. Non, encore un coup, l’esprit des lois de la nature ne peut se renfermer dans ces retraites obscures. Je prétends qu’il est de son essence de se répandre également sur tout un peuple ; qu’il doit animer tous ses membres d’une même activité et d’une même tendance, et les lier d’un même lien : il a, par conséquent, en horreur les vides entrecoupés de ces associations factieuses.

Je viens de rendre raison des progrès et du pouvoir que l’usage, que de vieilles opinions, des préjugés fortement enracinés, donnent aux lois vulgaires, tout vicieux qu’en sont les principes et leurs conséquences. J’ai fait voir combien ces lois sont incompatibles avec celles de la nature ; en un mot, par quels degrés les erreurs politiques et morales croissent au point d’usurper, presque sans retour, le nom, l’autorité et les droits de la vérité.

Il me reste à résoudre les dernières propositions de l’objection de la Bibliothèque impartiale : les voici. Le projet d’égalité est, en particulier, un de ceux qui parait le plus répugnant au caractère des hommes : ils naissent