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christianisme victorieux fit tomber les idoles ; mais il défendit mieux ses mystères que sa morale ; celle-ci, pour ménager ceux-là, n’osa combattre les préjugés, les usages, les lois civiles, contraires aux intentions de la nature, avec autant de force qu’elle avait attaqué le paganisme. Cette morale se conforma aux institutions politiques dans tout ce qui n’était point contraire aux sublimes spéculations sur lesquelles elle s’appuyait. Il fallait donc qu’elle prît une teinture des abus qu’elle n’avait pas eu le pouvoir de réformer, parce que, malgré la force des plus beaux exemples, la puissance législative lui manquait. Ces exemples convertirent insensiblement les nations, sans changer leur police ni leurs mœurs, c’est-à-dire que le monde se crut chrétien, parce qu’il n’adorait plus le marbre ni le bronze, et parce qu’il observait toutes les cérémonies de ce nouveau culte. Cette religion même, toute spirituelle, cédant à la faiblesse du vulgaire grossier, sanctifia quelques-unes de ses anciennes superstitions, toléra chez des peuples barbares des pratiques encore plus absurdes ; les cérémonies multipliées ne firent que distraire les hommes du principal objet de ce culte ; l’accessoire prit la place du fond de la religion ; le commun crut en remplir tous les devoirs, quand, à certains jours, à certaines heures, il eut payé de sa présence au spectacle de ces démonstrations, dont la pompe éveilla ou fit naître la vanité, l’orgueil, chez ceux qui en étaient les principaux acteurs. L’homme est ainsi bâti : il se croit grand, respectable, important, quand il se voit décoré ; c’est le mulet chargé de reliques ; une religieuse magnificence se changea bientôt en luxe, en faste, chez les ministres. Une dévote affluence fut pour eux une espèce de cour ; et, parmi le vulgaire, les plus assidus se crurent les plus parfaits.

Que devint donc cette véritable affection de consangui-