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lait donc une leçon qui leur fît sentir combien cela était déraisonnable. D’accord, mais il fallait faire en sorte que cela n’arrivât que fort rarement, et le moins grièvement qu’il est possible, en écartant absolument tout sujet et tout prétexte d’offense, en empêchant que jamais les choses d’où dépendent notre bien-être et notre conservation ne devinssent une proie que plusieurs contendants se disputent, et que le plus fort leur enlève : ces sages précautions eussent réduit tous les petits différends qui auraient pu naître à de légères émotions, à de légères inégalités d’humeur, telles qu’on en voit s’élever entre gens qu’unissent la familiarité, l’amitié ou le sang, sans que ces querelles passagère les portent à une entière rupture. Alors l’injonction positive de faire autant de bien qu’on en vent éprouver soi-même aurait facilement réprimé ces faibles brouilleries, et il n’aurait pas été besoin de fabriquer des codes sur une inutile négative.



L’esprit du christianisme rapprochait les hommes des lois de la
nature.


C’était précisément cette faible négative alteri ne feceris, etc., que les premiers chrétiens opposaient pour toute défense à leurs persécuteurs : ils n’en avaient pas besoin, ni entre eux, ni envers leurs plus cruels ennemis ; ils étaient trop éloignés de toute violence. Quelques-uns de leurs principaux dogmes leur faisaient sentir l’égalité naturelle de tous les hommes ; ils ôtaient un maître toute la rigueur de son autorité, adoucissaient l’esclavage, en rendaient la soumission volontaire : leurs préceptes, ne permettant qu’un usage passager des biens de cette vie, recommandaient aux riches de se détacher de leur possession, et de les répandre dans le soin des pauvres. La dou-