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saient souvent à cette dure nécessité, et si celles de la nature eussent été exactement observées : celle-ci ne prescrit rien sur ce qu’elle prétend laisser ignorer ; elle ne dit pas : Ne nuis point, elle préserve de ce danger ; mais fuis tout le bien que tu voudrais éprouver toi-même.

Votre premier principe de droit n’est donc que conditionnellement vrai, et son observation très-cotingemment et en quelque sorte très-fortuitement nécessaire.

Posez le tien et le mien, qui devait être un sujet infaillible de discorde, il fallait établir que, quelque inégalité qu’il y eût dans ce partage, il ne serait pas loisible à celui qui aurait moins de troubler celui qui aurait plus ; il fallait engager le moins heureux, et l’infortuné même, à se soumettre aux décisions des lois humaines, par cette considération fort peu consolante : Si tu, te trouvais le premier en possession des même avantages, souffrirais-tu qu’un autre t’en privât ? Voilà le véritable sens de votre première maxime d’équité. Mais de quoi les hommes s’aviseraient-ils de se priver, dans une parfaite égalité de jouissance des choses nécessaires à la vie ? Cette égalité n’exclut-elle pas toute idée, toute envie de nuire ?

Toutes les conséquences de votre premier axiome portent à faux comme lui. Il est permis, par exemple, de repousser la force par la force. Je demande qui a induit les hommes à en venir à ces cruelles extrémités. Deux nations acharnées à s’entre-dévorer, usent très-bien de cette permission ; elles se trouvent enfin forcées de suspendre leur rage pour entrer en pourparler ; elles observent un instant votre premier conseil, alteri ne faceris, etc. Mais prévenez les causes de toute guerre, a quoi servent les lois de la trêve ?

Quoi ! dira-t-on, n’a-t-il pas toujours été presque impossible d’établir une si parfaite concorde entre les hommes qu’ils ne cherchassent jamais à se nuire ? Il fal-