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du conserver une forme de gouvernement qui tenait toujours du paternel, malgré l’affaiblissement des sentiments qui semblent ne pouvoir régner avec empire qu’entre un petit nombre de personnes presque toutes parentes.

Les nations qui, trop resserrées dans leur pays, se sont vues obligées de transmigrer, ont encore été forcées, par les circonstances et les embarras d’un voyage, ou par la situation et la nature du pays où elles sont venues s’établir, de prendre des arrangements qui devaient déroger aux constitutions du gouvernement paternel, nouvelle atteinte aux sentiments qui en font la base.

J’aperçois donc trois causes physiques de l’affaiblissement de l’empire paternel.

La première est la multiplication des familles, entre lesquelles ce que je nommerai affection de consanguinité diminue, ainsi que l’esprit de communauté, à proportion de leur nombre.

La seconde cause, sont les transmigrations qui obligent chaque famille à rompre la communauté, parce que chacun se charge d’une part du bagage et des provisions.

La troisième, enfin, naît de l’embarras et des difficultés d’un nouvel établissement.

Dans ces causes, qui ont affaibli ou éteint l’affection de consanguinité, et rompu presque toute communauté, je trouve la source des différends qui pouvaient s’élever, soit entre les particuliers ou les familles, soit entre des nations entières, et par conséquent l’origine funeste de toute dissension civile, de la guerre et du brigandage. Chaque peuplade venant à se diviser et à s’éloigner l’une de l’autre, le temps, la distance des lieux, la différence de langage et de mœurs, ont dû presque totalement détruire toute idée de consanguinité entre des nations sorties d’un même pays, et pour ainsi dire d’une seule race ;