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n’est sensible que par ce qu’il peut être heureux ; et il n’est raisonnable que parce qu’il est sensible. C’est le premier jet lumineux d’une idée qui prit son développement complet dans le Code de la Nature. La raison n’est pas faite pour contrarier en nous les penchants qui nous portent à former un vœu très légitime, celui d’être heureux. L’homme ne veut pas nuire, « il cherche à jouir : sans égard aux obstacles, il tend directement à l’objet agréable. » Mais ce sont précisément les obstacles qui viennent détourner le cours libre, régulier, direct, de la passion, et lui faire perdre toute sa bonté originelle, par ce froissement, ce repli, cette réflexion (Fourier dirait récurrence). Si les passions sont pour nous une cause de souffrance, c’est qu’elles se développent au milieu de circonstances propres à les dépraver. On n’aurait du même n’affecter ce mot passion, qui vient de pali (souffrir, pâlir), qu’aux désirs ou sentiments dans lesquels il y a déjà excès, irritation, souffrance, et mieux caractériser les inclinations ; naturelles, qui cessent où commence toute violence.

Plusieurs philosophes ont aussi reconnu la bonté originelle de nos premiers mobiles ; mais ils n’ont pas désigné les circonstances fâcheuses qui les dépravent, et encore moins cherché la solution de cet excellent problème : Trouver une situation dans laquelle il soit presque impossible que l’homme soit dépravé ou méchant.

Morelly, disons-nous, n’admet qu’une seule passion à laquelle toutes les autres sont subordonnées l’amour, ou, pour employer une autre expression de lui, l’attraction morale. La passion peut changer de nom suivant son objet, et s’appeler ambition, amour, etc. : mais le principe générateur est un, car « il y a analogie entre le physique et le moral. Dieu, à l’égard des actions humaines, comme dans l’ordre physique du monde, a établi une loi générale, un principe infaillible de tout mouvement. » Tout est donc