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fournis les vrais moyens de ne nous accorder jamais ; tu veux qu’une partie de nos gens s’occupent à maintenir une paix, une concorde que tu cherches à rompre ; ainsi donc nos vieillards, nos pères n’emploieront plus leurs soins, leur prudence qu’à terminer des querelles. Une partie de nos frères, de nos amis seront eux et leurs descendants, contraints de vivre malheureux, et de voir d’un œil tranquille des paresseux insolents jouir des fruits de leurs travaux. Ce que tu nous racontes d’un peuple qui s’était séparé de pareils lâches et qui se laissa ramener par un discours à peu près semblable au tien, est une impertinence, ainsi que la comparaison dont se servit celui qui apaisa ces mécontents. Les membres de notre corps partagent, à la vérité, le travail ; chacun exerce la fonction à laquelle il est dominé ; mais tous jouissent en commun de ce qui fait le soutien de la vie. L’estomac, comme les chefs de cette nation dont tu parles, ne s’approprie rien de ce que les membres lui fournissent ; il ne les laisse point languir ; au contraire, il leur distribue les aliments dont il n’est que le réservoir commun : voilà ce que devaient répondre ces bonnes gens au sot discoureur dont tu nous rapportes la fable. Mais qu’arriverait-il encore si nous t’écoutions ? Celui qui se trouverait aujourd’hui plus à son aise qu’un autre se verrait bientôt supplanté par celui qui ferait des efforts pour se mettre en sa place, et serait peut-être réduit, à son tour, lui ou ses enfants, à périr de misère. »

« Nous faisons la guerre, nous arrachons la chevelure, nous brûlons, nous mangeons nos ennemis, c’est-à-dire, les familles, qui, séparées des nôtres, s’assemblent pour nous disputer la chasse ou la pêche ; et tu veux faire en sorte que nos propres familles en fassent autant entre elles.