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fainéante, et enorgueillie par la possession des meilleures contrées de chasse, de pêche, ou de terres cultivées ? De quel œil ces peuples verraient-ils quelques-uns de leurs compatriotes, jouissant, dans une odieuse oisiveté, des plus beaux et meilleurs fruits de leurs travaux, ne laisser aux autres qu’un usage précaire de leurs superfluités ?



Idée de la politique vulgaire,
et courte réfutation de ses maximes.


Écoutons cependant nos philosophes raisonner là-dessus. Comme, disent-ils, il est moralement impossible que dans aucune société, les biens physiques de cette vie soient, ou demeurent également partagés, il est absolument nécessaire qu’il y ait des riches et des pauvres. Or, quand cette inégalité de fortune est une fois réglée et compensée par de sages lois, il doit en résulter une très-belle harmonie. La crainte et l’espérance occupent presque également tous les hommes, et les rendent presque également industrieux et actifs. Les riches sont attentifs à conserver des biens qui peuvent, à chaque instant, leur échapper, et dont, dans le vrai, ils ne sont que comme les dépositaires et les gardiens ; ces passions excitent et encouragent le pauvre à un travail qui peut le tirer de sa misère : outre la variété presque infinie de bons effets que produisent ces deux mobiles, ils disposent la partie des hommes la moins bien partagée, à l’obéissance et à la soumission, qu’exige d’eux, tant leur intérêt particulier que celui de la société : ces deux pivots qui en font l’appui, retiennent ceux dont les besoins semblent croître comme les richesses dans une nécessité de recourir à des secours qui les rendent modérés et bienfaisants. Ainsi deux parties inégales de l’humanité se trouvent, par leur état, dans une mu-