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si peu de conséquence, que si l’homme restait, comme ces animaux, borné à un petit nombre de facultés, il n’aurait, comme eux, ni haine, ni jalousie, ni aucune passion habituelle, ni volonté déterminée et opiniâtre qui pût le porter constamment à des actions féroces ; ainsi il n’aurait pas eu plus besoin de morale et de lois que la brute ; il n’aurait pas été moralement plus méchant ni plus dépravé qu’elle envers son espèce.

Quelle éducation préviendrait tout vice.

J’ajoute, en second lieu, que, puisque chez l’homme la raison succède à une sorte de sentiment aveugle, il est fait pour être le plus doux et le plus traitable de tous les animaux, et le serait en effet devenu, si d’abord ce sentiment stupide n’eût été mécaniquement employé qu’à le familiariser avec des habitudes pacifiques, si la raison fût ensuite venue les perfectionner ; elle n’était point faite, quoi qu’en disent nos philosophes, pour combattre en nous des passions fougueuses, ou pour prévenir des désordres qui n’eussent jamais existé, si l’homme eût été préparé, et, pour ainsi dire, apprivoisé par le mécanisme d’une éducation conforme à nos principes ; il n’eût plus alors eu besoin de faire usage des facultés de son esprit, que pour connaître et jouir des avantages d’une société sagement constituée : accoutumé, dès ses premières années, à se plier à ses lois, il ne se serait jamais avisé d’y contrevenir. Aucune crainte de manquer de secours, ni de choses nécessaires ou utiles, n’eût excité en lui des désirs démesurés. Toute idée de propriété sagement écartée par ses pères, toute rivalité prévenue ou bannie de l’usage des biens communs, aurait-il été possible que l’homme eût