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dans lequel aucun être ne peut, sans cause accidentelle, nuire au mouvement ni à l’existence d’un autre ; cette probité, dis-je, serait demeurée ce qu’elle était dans l’homme, un éloignement invincible de toute action dénaturée, une loi dictée par le sentiment, approuvée et chérie par l’esprit et le cœur : loin de rencontrer de continuels obstacles qui affaiblissent ou détruisent cet état paisible de l’être raisonnable, l’homme, exempt des craintes de l’indigence, n’eût eu qu’un seul objet de ses espérances, qu’un seul motif de ses actions, le bien commun, parce que le sien particulier en aurait été une conséquence infaillible. Donc, je le répète, ce que l’on nomme probité serait demeuré inaltérable ; elle aurait acquis tous les ornements que nous vantons dans le commerce de familiarité, je veux dire la complaisance, l’affabilité, en un mot, la politesse des manières, ainsi que celle des mœurs.

Qui ne comprendra que cette morale aurait été susceptible des démonstrations, non seulement les plus claires, mais les plus simples et les plus à la portée de tout les hommes ? Qui peut douter que l’éducation, tirant ses préceptes de cette morale, aurait donné à des vérités très-sensibles et généralement intéressantes, au moins autant de pouvoir et de crédit sur tous les cœurs, que l’éducation ordinaire donne de force et d’empire à mille préjugés ridicules ? La nôtre, en prévenant toute habitude vicieuse, aurait laissé ignorer aux hommes qu’ils pussent devenir méchants.

Mais avant d’examiner plus en détail pourquoi la probité naturelle de la créature raisonnable s’est si prodigieusement altérée, tirons, des objections même des moralistes, de nouvelles preuves de l’efficacité des leçons d’une éducation qui serait réglée sur nos principes.