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ter séparément ; ou bien elle varie ces désirs, ces penchants, pour les empêcher de tomber en même temps sur un objet qui serait unique, trahit sua quemque voluptas.

4° Par la diversité de force, d’industrie, de talents mesurés sur les différents âges de notre vie, ou la conformation de nos organes, elle indique nos différents emplois.

5° Elle a voulu que la peine, la fatigue de pourvoir à nos besoins, toujours un peu plus étendus que nos forces, quand nous sommes seuls, nous fît comprendre la nécessité de recourir à des secours, et nous inspirât de l’affection pour tout ce qui nous aide ; de là notre aversion pour l’abandon et la solitude, notre amour pour les agréments et les avantages d’une puissante réunion, d’une société.

Enfin, pour exciter et entretenir parmi les hommes une réciprocité de secours et de gratitude, pour leur marquer les instants qui leur prescrivent ces devoirs, la Nature est entrée dans les moindres détails ; elle leur fait tour à tour éprouver inquiétude ou tranquillité, lassitude ou repos, affaiblissement ou augmentation de force.

Tout est compassé, tout est pesé, tout est prévu dans le merveilleux automate de la société ; ses engrenures, ses contrepoids, ses ressorts, ses effets : si l’on y voit contrariété de forces, c’est vacillation sans secousse, ou équilibre sans violence ; tout y est entraîné, tout y est porté vers un seul but commun.

Cette machine, en un mot, quoique composée de parties intelligentes, opère en général, indépendamment de leur raison dans plusieurs cas particuliers ; les délibérations de ce guide sont prévenues, et ne le laissent que spectateur de ce qu’effectue le sentiment. On peut donc dire avec Ciceron[1] : Natura ingenuit, sine doctrina,

  1. De finibus, lib. 5.