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corruption des hommes fût précisément une de leurs premières leçons ; la matière leur en paraissait trop pure, trop auguste ; leurs lois, leurs règles trop prudentes et trop respectables, pour qu’on osât leur imputer cet énorme grief ; ils ont mieux aimé le rejeter sur la nature ; ainsi l’homme, au sortir de ses mains, quoique également privé de toutes idées métaphysiques ou morales, simplement muni des facultés propres à recevoir ces idées ; l’homme, dans les premiers instants de son existence, plutôt absolument indifférent à tout mouvement, que porté à aucune fougue impétueuse, se trouve, par la plupart de nos philosophes, suffisamment pourvu de quantité de vices, mêlés de quelques vertus, innés, aussi bien que d’idées de même nom. Avant même que de voir le jour, il porte dans son sein les funestes semences de dépravation qui l’excitent à chercher son bien aux dépens de toute espèce, et de l’univers entier, s’il était possible.

Quand je passerais cette spécieuse absurdité, je serais toujours en droit de faire remarquer, que, loin de chercher les moyens de déraciner ou de réprimer ces mauvais penchants pour laisser fructifier quelques faibles vertus, dont, selon ces docteurs, les racines ne sont pas absolument pourries ; que loin, dis-je, de fomenter ces salutaires dispositions, ils ont fait précisément tout ce qu’il fallait pour jeter et faire éclore dans le cœur de l’homme une semence de vice qui ne fut jamais, et pour étouffer le peu de vertus qu’ils imaginent y cultiver.

Causes de la corruption de l’amour-propre.

Voyons, par exemple, cet amour-propre dont vous faites une hydre à cent têtes, et qui l’est, en effet, devenu par vos propres préceptes. Qu’est-il cet amour de soi-