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qu’ils ont voulu instruire ou flatter ; ils respectaient eux-mêmes ces préjugés ; et plus touchés du spécieux que du réel, ils ne cherchaient qu’à embellir ce qu’ils croyaient bon et louable.

En examinant sérieusement combien leur morale est inférieure aux fables et aux allégories dont ils s’efforcent de l’orner, on ne peut s’empêcher de les comparer à des artistes qui décoreraient d’une riche broderie une étoffe de vil prix. J’admire la beauté de l’ouvrage, et méprise la matière. Ces heureux génies voulaient plaire, parce qu’ils espéraient instruire : leur intention fait leur éloge ; mais, dans le vrai, ils n’ont réussi qu’à demi, ils ont plu seulement.

Il paraît que l’auteur ambitionne, comme eux, la gloire d’être utile au genre humain, et qu’il fait des efforts pour les surpasser : pour parvenir à ce point, il a pris une route presque toute nouvelle, et il lui a fallu de nouveaux moyens. Il n’avait point de modèle ; où en prendre ? Là même où personne ne s’est avisé d’en chercher.

Chaque poëte s’est contenté de renfermer son sujet dans les limites d’un trait d’histoire ou de fable qui intéressât les mœurs, la religion ou la gloire d’une nation ; M. M****** ne s’est prescrit d’autres bornes que celles des vrais avantages de l’humanité entière. Enfin, il lui fallait un héros qui, pour être capable de régir un peuple selon les lois paisibles de la simple nature, ne ressemblât point à la plupart de ceux que l’erreur admire, et auxquels la flatterie prodigue les titres les plus fastueux.

Il n’était pas moins nécessaire que les machines de ce poëme n’eussent rien de ce que, de tout temps et presque partout, la superstition a prêté de monstrueux ou de ridicule aux objets de ses frayeurs et de son culte fanatique. Il fallait que ces machines produisissent, non le