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le reste a pour lui les travaux et les inquiétudes, avec à peine de quoi ne pas mourir de faim » (Basil., ch. II). Ajoutons que les privilégiés eux-mêmes ne peuvent jouir avec sécurité des biens que la classe la plus nombreuse leur envie. Toute possession exclusive est accompagnée de tant de sollicitudes et de craintes que les heureux du monde semblent moins faits pour jouir du bonheur que pour empêcher les autres de le goûter. Ainsi, le système social fondé sur l’appropriation individuelle prive les trois quarts de la population des jouissances de la propriété, qu’il est censé assurer médiocrement à l’autre quart ; il est inutile de chercher la paix, le bonheur, si l’on n’établit pas l’égalité des conditions, si les charges, les travaux et les jouissances de la société ne sont pas distribués entre les particuliers avec plus de justice et de proportion.

Pour traiter plus à fond la question relative à la distribution des travaux, on peut faire deux suppositions : ou bien le travail sera toujours embrassé avec entraînement, et dans ce cas il y aurait accord parfait entre les inspirations de la nature et les prescriptions de l’intérêt social ; ou bien le travail ne peut pas devenir un plaisir, et l’on doit compter sur la puissance de la loi ou du devoir. La première hypothèse, qui est la plus séduisante, se trouve développée dans la Basiliade et le Code de la Nature ; mais dans le plan de législation, placé à la suite de ce dernier écrit, « par forme d’appendice et comme un hors-d’œuvre, » Morelly prenant les hommes tels qu’ils sont, ou plutôt sont devenus, ne compte plus tant sur la bonne volonté des travailleurs, et fait des règlements qu’on pourra trouver sévères.

Raisonnons dans sa première hypothèse ; admettons que la libre activité de l’homme « versera dans le fonds commun des ressources plus que n’y peuvent puiser les besoins ; » il est clair que les lois, les règlements sont à peu