Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut attendre des généreux élans de notre nature, fortifiés par le sentiment du devoir : mais qu’on veuille bien avouer d’abord qu’il serait injuste et déloyal de venir puiser au fonds commun de la société, et de prétendre ne rien faire pour elle. La probité qui, dans l’état actuel de nos institutions, consiste à payer ses dettes (d’argent), se réduirait, dans l’hypothèse de Morelly, à payer sa dette de travail.

Et rien n’empêche qu’on ne prenne des mesures, des garanties, pour faire que ce qui est juste soit exécuté. On objecte de plus que, s’il n’existait pas une grande inégalité de conditions, si une certaine classe n’était pas vouée exclusivement aux travaux utiles, on verrait bientôt la misère la plus affreuse succéder à la prospérité brillante de notre industrie : en sorte que l’homme serait pour ainsi dire puni d’avoir voulu établir ici-bas le règne de la justice. Il est vraiment humiliant pour l’intelligence humaine qu’il soit encore nécessaire de répondre sérieusement à celui qui vient vous dire, que la société deviendra plus pauvre, du jour précisément où la classe qui ne produit pas et celle qui paralyse la production viendront partager le travail commun. « On peut démontrer, au reste, dit Morelly, que la communauté de tous biens, de tous secours, peut remuer plus efficacement les hommes que les tristes motifs d’intérêts particuliers qui les retiennent assujettis à des craintes frivoles, à des espérances, à des vues fort bornées, à de timides entreprises, à de basses intrigues, et ne les occupent que des soins, des soucis et des peines d’un avancement, d’une fortune, qui n’influent presque en rien sur le bien de la société. Quoi ! dira-t-on, le commerce qui lie les peuples de la terre, tout fondé qu’il est sur des intérêts particuliers, n’est-il pas une source féconde de commodités, de délices, de richesses, de magnificence, d’industrie, de bon goût, de politesse, etc. ? Oui ; mais il n’y a pas un tiers des hommes qui en profite ;