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sées plus éloquentes et plus rapides que l’harmonie ; premier hommage que nous rendons à sa souveraineté. Nos tables, couvertes de fruits délicats, de breuvages exquis, sont nos autels et nos victimes ; nos sacrifices sont l’emploi que nous faisons de ces choses à notre conservation et au plaisir qui lui est inséparablement attaché ; nos sens sont nos prêtres ; ils nous disent de la manière la plus persuasive : Mortels, soyez pénétrés des bienfaits du Créateur, imitez ses bontés. Toutes les fois que nous nous écrions : Que cette chose est belle, agréable, délicieuse ! nous exprimons des mouvements de gratitude. Nos forces réunies pour les travaux nécessaires à la vie sont les ministres qui préparent nos sacrifices ; le repos et la joie sont nos fêtes, toutes nos actions enfin sont un culte perpétuel.

Ce qui a conduit les nations à charger l’idée générale de la cause première de nouveaux titres, c’est que nous attribuons à Dieu ce que nous estimons. Depuis que l’intérêt et les préjugés ont fait aimer les dons, les honneurs ; depuis que l’homme s’est plu à voir son semblable bassement humilié devant lui, il a cru que la Divinité était touchée des mêmes hommages. Sur les idées d’une justice distributive, qui règle les rangs, les dignités, les possessions et les droits de chaque personne, s’est formée l’idée d’une équité qui, toute arbitraire et muable qu’elle est dans ses règlements, a prêté ses intentions à l’Être qui ne change point ; elle punit des actions criminelles relativement à l’ordre qu’elle établit, parce qu’elles le renverseraient, et elle croit que l’intelligence infinie, se prêtant à ses faibles vues, s’irrite et punit les mêmes crimes.

Des mesures mal prises, entraînant nécessairement avec elles beaucoup de désordre, sont suivies d’une alternative continuelle d’offenses et de réparations entre les