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stant contraints d’abroger ceux-ci par d’autres contradictoires : mauvais architectes, vous replâtrez un bâtiment qui croule. Les mœurs de vos sujets, semblables à ces liqueurs que trop de ferment agite, se débordent de temps en temps. Vous prétendez réformer la nature, lui prescrire des règles ; vous la rendez furieuse en l’assujettissant à d’inutiles devoirs. Ses leçons sont courtes, précises, énergiques, uniformes et constantes ; le cœur humain en suivra toujours avec plaisir les sages directions, si rien d’étranger ne vient ternir la beauté de ces tables divines. L’évidence de leurs décisions n’a pas besoin de nouvelles lumières. N’en soyez point les interprètes, mais les conservateurs.

Idées que l’homme peut raisonnablement avoir sur la Divinité.
Corruption du culte et du sentiment religieux.

L’épreuve presque continuelle que nous faisons de nos forces, de nos raisonnements, de nos délibérations ; l’ordre et le choix que nous mettons dans nos actions, le plaisir et la satisfaction que nous cause le succès, nous font juger avec fondement que le principe à qui nous devons l’être est quelque chose qui a les mêmes facultés que nous, mais aussi supérieures à notre faiblesse que la vaste étendue des cieux les tient éloignés de la terre. Quel que soit enfin le tout puissant auteur de tout ce qui croît et respire, ses bontés égalent son pouvoir ; tout nous fait ressentir ses effets bienfaisants ; le ciel et la terre s’unissent pour nous montrer le plus admirable spectacle, spectacle toujours nouveau, toujours nouvellement orné : nous ne sentons aucun besoin, aucune inquiétude qui ne nous annonce un plaisir ; point de plaisir qui ne manifeste les libéralités et la présence du bienfaiteur.