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vénients d’une loi qui assujettit à l’impossible, c’est-à-dire à remplir les conditions d’un contrat, quand il arrive que ce qui en fait la base et l’essence ne subsiste plus. Or, pourquoi l’indifférence ou la haine ne rompraient-elles pas, aussi bien que la mort ou l’impuissance, une convention qui n’est fondée que sur l’amour réciproque des parties ?

Sitôt que la morale et les lois, prétendant régir l’homme contre le gré de la nature, ont fait un crime de l’amour et fomenté tous les préjugés qui pouvaient le déshonorer, il est devenu volage, lascif, effronté, dissolu. Faut-il s’en étonner ? notre âme, faite pour tout ce qui mène ; vers les plaisirs par une pente donne et facile, perpétuellement privée de ce doux breuvage, en contracte une soif si furieuse qu’elle se suffoque pour l’étancher. Les lois ont beau crier alors, elles ne sont plus écoutées ; il faut qu’elles tolèrent des excès qu’elles n’ont pas eu la prudence de prévenir ; et c’est en cela qu’il semble que la Providence se plaise à manifester la faiblesse des lois humaines, et à les punir d’avoir, pour excuser leur impuissance, accusé la nature d’être imparfaite ou vicieuse.

Quand ceux qui prétendent régler les mœurs et dicter des lois auraient pris à tâche de saper les fondements de toute morale ; ils ne pouvaient rien imaginer de plus efficace que la plupart de leurs ingénieuses constitutions.

Ô princes et législateurs, vous vous dites les juges et les pacificateurs de vos peuples ; dites plutôt que vos lois, mal conçues, mal digérées, productions systématiques de vos propres rêveries, font naitre une multitude prodigieuse d’intérêts, de préjugés divers, éternels sujets de discorde et de crimes auparavant inouïs ; vous êtes obligés de calmer des disputes, des querelles, des plaintes, de réprimer mille injustices excitées par les leçons qu’en donnent vos propres règlements ; vous êtes à chaque in-