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ceur, de complaisance ; lois d’honneur, d’intégrité, de justice, de désintéressement, de bonne foi, de bienséance, de pudeur : telles sont les leçons qui se dictent dans les écoles de la vertu.

Les lois et la morale ont voulu étouffer le plus doux, le plus paisible comme le plus puissant des sentiments de notre âme, sa respiration, sa vie, sous les dehors de bienséance ; elles ont voulu l’assujettir, comme toute autre passion, au culte de l’intérêt, aux préjugés d’honneurs, de rangs, de dignités, parce qu’elles ont prévu que, si elles le laissaient libre, il ne pourrait s’accorder avec toutes ces chimères ; et c’est précisément en le voulant rendre leur esclave, qu’elles en ont fait une débauche effrénée.

Ôtez l’intérêt de la terre
Et vous en bannirez la guerre…

J. B. Rousseau.

et l’amour rentrera dans ses droits ; il cessera d’être un volage, un infidèle, un séducteur ; on ignorera le mot infâme de prostitution ; jamais une beauté ne rougira de devenir mère, et ne fera de criminels efforts pour éviter de le paraître.

L’intérêt rend les cœurs dénaturés, et répand l’amertume sur les plus doux liens, qu’il change en de pesantes chaînes que détestent chez nous les époux en se détestant eux-mêmes. Les mariages sont des promesses solennelles de s’aimer toujours, et même après la rupture de cette promesse imprudente on reste éternellement lié. Quelle bizarre contrariété !

Le plus grand nombre des législateurs, et même ceux que l’on estime les plus sages, n’ont point rendu le mariage indissoluble ; tous ont senti la dureté et les incon-