Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

services périlleux. C’est encore par les mêmes préjugés que ceux qui nous gouvernent, étant, comme nous, gouvernés eux-mêmes par la flatterie ou par le malheureux esprit de propriété et d’intérêt qui règne dans l’univers, disposent des richesses, emploient les forces de la société au gré de leur ambition. Si, à présent, les peuples, moins féroces, ne s’attaquent plus sans sujet, si même on a réglé dans quelles circonstances les hommes peuvent légitimement s’égorger, je demande si la gloire de la nation, sa prééminence, ses prétentions, mille autres prétextes que l’on nomme raison d’état, et, plus que tout cela, la grandeur particulière d’une seule famille, qui fait entreprendre des guerres ruineuses, sont dans la réalité autre chose qu’un extérieur pompeux qui couvre nos misères ?

Dépravation des passions, et en particulier de l’amour.

Les moralistes et les législateurs prétendent sonder les sombres replis du cœur ; ils vont y chercher la cause et l’origine de ses désordres ; une morale au front sévère leur dit que la source de nos passions est empoisonnée ; que font-ils ? ils veulent tarir cette source et en arrêter le cours : c’est à quoi ces sages travaillent depuis tant de siècles ; les uns s’occupent d’un infructueux examen de nos maux, et se méprennent toujours sur la véritable cause ; les autres se contentent de satiriser et de déplorer la condition des hommes ; plusieurs imaginent mille projets pour réformer nos mœurs : mais qu’opposer à la multitude des vices ? préceptes d’amitié, d’amour de la patrie, d’amour filial ou conjugal ; préceptes de générosité, d’équité, de reconnaissance, de grandeur d’âme, de courage, de fermeté, de valeur, de patience, de modération ; préceptes de soumission, d’obéissance, de fidélité, de dou-