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cruautés, insulter, avec raillerie, aux malheureuses victimes de leur rage, et des nations entières se disputer l’honneur d’être la plus méchante. Si quelquefois la nécessité contraignit les hommes à se porter à ces détestables excès, ils se firent bientôt une habitude, une gloire de s’y livrer sans prétexte et sans causes. Les plus hardis et les plus méchants se rendirent redoutables, même à leurs propres compatriotes (car qui ne craint pas de perdre la vie est bientôt maître de celle des autres ). Il n’y eut aucun honneur que ne s’attribuât leur arrogance, soit près des leurs, soit près des vaincus. On fit une vertu de la bravoure et de l’intrépidité. Il est vrai que, depuis que la guerre fut devenue un mal nécessaire, au moins pour une juste défense, il fallut exciter une partie des hommes, par des motifs de gloire et d’intérêt, à s’exposer aux plus cruels dangers pour conserver une nation.

Ce fut, sans doute, la crainte ou l’étonnement qu’inspira la frénésie que l’on nomme valeur guerrière, autant que les services qu’elle rendit à ceux qu’elle enrichit, qui fit diviniser cette manie et le nom terrible de conquérant qui devrait être le plus infâme de tous les noms.

Bien plus, les hommes, par l’enchaînement d’erreurs qui les précipitèrent dans ces désordres, et dans la nécessité de subsister par des crimes, devenus odieux à eux-mêmes, se crurent odieux à la Divinité ; ils firent des idoles de tout ce qui les épouvanta ou leur fut utile, et poussèrent la folie jusqu’à décorer l’Être Suprême de tous les attributs qu’ils révèrent dans les plus détestables créatures, la colère et une vengeance impitoyable.

C’est par la forte impression de ces préjugés sur les esprits, et, en général, par tous ceux qui excitent dans l’homme le désir de dominer, aussi bien que par l’appât du gain, qu’il fallut engager des citoyens, qui ne tiennent plus à la patrie par un amour sincère, à lui rendre des