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teurs d’une patrie délabrée, esclaves de la flatterie et d’une vaine ombre d’autorité que possèdent des grands ou des ministres insolents, qui deviennent eux-mêmes esclaves de leurs propres créatures, comme les peuples le sont de la misère et du joug qui les opprime sous le nom d’un maître qui les croit heureux ? Quelques uns de nos monarques tentent de gouverner eux-mêmes, et ont assez de capacité et de courage pour ce charger de ce fardeau ; combien de difficultés ne trouvent-ils pas à rompre les fers de cette honorable captivité ? Combien d’obstacles ne rencontrent-ils pas quand ils veulent rendre à l’humanité les services généreux qui leur méritent véritablement le titre de héros ? Combien de résistances à vaincre de la part d’une infinité de volontés, dépravées par les préjugés et les vices ? Combien de fausses maximes, de coutumes folles ou pernicieuses, à détruire dans la constitution ordinaire des sociétés qu’ils gouvernent ?

La souveraine puissance, dans quelques unes de nos contrées, semble aux peuples plus éclairée, plus vigilante, et son autorité plus douce, parce qu’elle est partagée entre plusieurs têtes et qu’elle laisse une apparence de liberté que l’homme idolâtre, tout imaginaire qu’elle est : ce pouvoir divisé ne change rien à l’inégalité monstrueuse que la propriété et l’intérêt ont mise entre les conditions ; et le malheureux n’a tout au plus, dans ces sortes de gouvernements, que la triste consolation de pouvoir se plaindre hautement. Il y a quelquefois moins d’indigents que dans un État où règne un seul maître ; mais l’infortune est toujours le partage du plus grand nombre : les peuples n’y sont point esclaves des caprices du pouvoir arbitraire ; ils n’en sont pas moins soumis à la rigueur des lois, qui sont partout à peu près aussi insuffisantes, aussi incapables d’adoucir nos maux. Les maîtres, que ces peuples se donnent à leur gré, peuvent, en se conformant à la sévérité